Lauriane Jacquet, bénévole à Travaux Publics Sans Frontières (TPSF) dans le cadre d’un projet tutoré de deux jours par semaine pour mon magistère 3 d’économie du développement (master 2) au CERDI de l’Université Clermont Auvergne avec une spécialité en analyse et gestion de projets de développement.
J’ai intégré TPSF afin de bénéficier d’une expérience dans des conditions réelles en montage et gestion de projets de développement en Afrique. Cependant, travaillant sur ces aspects pour différents projets universitaires, j’ai souhaité intégrer la cellule Jeunes, Genres et ODD qui traite des thématiques spécifiques me tenant particulièrement à cœur. Effectivement, l’inclusion des femmes, des enfants et des minorités ainsi que la promotion du développement durable me paraissent primordiales et méritent une attention particulière dans le montage de chaque projet. C’est pourquoi j’ai souhaité en apprendre davantage à ce sujet et découvrir comment TPSF articule cette cellule récemment créée pour gérer ces problématiques en s’adaptant aux caractéristiques de chaque pays et village africain.
Ainsi, en accord avec mes collègues de l’ONG, je m’occupe du projet d’adduction d’eau potable de Gboto Assigame au Togo car c’est le projet qui a retenu le plus mon attention.
Cette mise en pratique est d’autant plus intéressante qu’il s’agit d’un projet d’adduction à l’eau potable et que l’approvisionnement en eau est une tâche entièrement supportée par les femmes de la commune étudiée.
En effet, il s’agit d’un des projets les moins avancés de l’organisation, ce qui me permet d’avoir une grande marge de manœuvre pour intégrer réellement et durablement les jeunes, les femmes, et les minorités dans toutes les phases de ce projet afin d’inclure au mieux les populations locales et répondre à leurs attentes et besoins.
Selon moi, pour qu’un projet soit durable et réussi, il faut que celui-ci intègre complètement les locaux en considérant la population comme la principale partie prenante avec laquelle il faut travailler. Mon rôle est donc de respecter et de prendre en compte la voix de tous afin de contribuer, par le biais de ce projet, à une meilleure cohésion sociale dans le village de Gboto Assigame.
Je m’intéresse particulièrement aux questions de santé et d’éducation des jeunes en regardant s’il existe des différences de traitement significatives en fonction de leur sexe. Je me préoccupe aussi de la santé, de l’éducation et du degré d’autonomie des femmes. Enfin, j’intègre un certain nombre d’objectifs de développement durable que j’analyse et replace dans le contexte du projet.
Tout d’abord, mon travail a consisté à réaliser une revue de l’état de l’art à ce sujet afin de connaître avec précision le contexte actuel du pays. Pour ce faire, j’ai lu des enquêtes réalisées par le ministère de la santé togolais, étudié des données chiffrées issues de l’Institut de Statistiques Togolais, mais aussi des plans nationaux d’adaptation aux changements climatiques du Ministère de l’Environnement et des Ressources Forestières au Togo afin de rassembler le plus de données récentes possible.
De ce fait, globalement, le Togo est caractérisé par une population très jeune marquée par de fortes inégalités sociales et de genre, un marché du travail peu dynamique, et des violences sexuelles importantes. Néanmoins, depuis plusieurs années, nous pouvons constater une progression très importante de l’alphabétisation ainsi qu’un meilleur accès aux soins dans le pays.
Il est apparu que les femmes sont majoritaires au Togo (52,3% de la population togolaise en 2018). Pourtant, elles sont victimes d’importantes discriminations notamment en matière d’accès à l’éducation, à la santé, à l’emploi, à la terre et aux postes de décision. Par exemple, le taux d’alphabétisation des adultes est de 63,6%, avec une nette disparité selon le sexe : 77,1% pour les hommes et 51,1% pour les femmes. Ce résultat s’explique par une part très importante (environ 90%) des femmes de plus de 65 ans qui sont en situation d’analphabétisme. Cependant, ces chiffres tendent à s’améliorer avec le temps grâce à la progression du taux de scolarisation au Togo. Selon une enquête réalisée en 2014 par le ministère de la santé togolais, seulement 8% des filles âgées de 10 à 14 ans sont sans instruction. Ces disparités sont accentuées en fonction du lieu de vie : en milieu rural la proportion d’hommes et de femmes sans instruction est plus élevée de 10 à 20 % en fonction des régions.
J’ai également constaté des écarts importants entre le taux d’inscription des enfants au primaire et au secondaire qui s’explique par une importante réforme de l’école à l’initiative du gouvernement en 2008 permettant de rendre l’enseignement primaire gratuit pour tous les enfants. Une mesure qui a été renforcée par le Plan Sectoriel pour l’éducation mis en place au Togo entre 2014 et 2015. Ce plan national a permis une amélioration significative du taux de scolarisation. Néanmoins, 28% des enfants de 15 à 17 ans ont déjà travaillé, que ce soit en participant à des activités économiques ou en effectuant des tâches domestiques.
Il faut noter que des avancées ont été réalisées en ce qui concerne les droits des femmes et des enfants à travers la mise en place de la politique nationale de l’équité et de l’égalité de genre (PNEEG). Cette politique adoptée en 2011 a pour finalité de promouvoir à moyen et long terme l’équité et l’égalité de genre, l’autonomisation des femmes et leur participation effective à la prise de décision à tous les niveaux du processus de développement du Togo. La proportion de femmes présentes au niveau du gouvernement a aussi évolué durant ces dernières années. Elle est passée de 22% en 2016 à 27,27% en 2019 et à 30% en 2020. Actuellement au Togo, une femme est cheffe du gouvernement et une autre a été élue présidente de l’Assemblée nationale pour la première fois.
Cependant, suite à ces recherches, plusieurs questions restent en suspens. C’est pourquoi nous avons décidé de réaliser un questionnaire destiné aux habitants de la commune de Gboto Assigame afin de récolter les informations les plus récentes et honnêtes possibles concernant des sujets sensibles et en lien avec notre action.
Le questionnaire va compter une vingtaine de questions administrées à des focus group ainsi qu’à des personnes de manière individuelle afin de récolter des données authentiques. De ce fait, l’équipe chargée de la cellule collabore étroitement avec madame Aféfa, sociologue togolaise basée à Lomé, travaillant pour notre partenaire, l’association d’entraide et de développement (AED), afin de réaliser un sondage adapté aux caractéristiques des répondants.
Durant mon stage encadré, j’ai rencontré une équipe compétente et dynamique, qui m’a totalement fait confiance dès le début de ma mission en me déléguant toutes les tâches que je souhaitais réaliser. J’ai donc profité d’une expérience très enrichissante dans une ambiance chaleureuse, où j’ai pu découvrir une nouvelle dimension de la gestion de projet tout en travaillant en totale autonomie. De plus, j’ai pu approfondir mes connaissances sur les notions d’égalité de genre et de développement durable ainsi que sur l’importance de leur prise en compte réelle dans les projets de développement.