L’Afrique est le continent le plus jeune du monde, avec plus de 60 % de sa population âgée de moins de 25 ans [1]. Cette jeunesse représente à la fois un défi et une opportunité pour le développement durable et la prévention des conflits sur le continent. Comment les jeunes africains contribuent-ils à la consolidation de la paix dans leurs communautés ? Quels sont les obstacles et les opportunités qu’ils rencontrent ? Quelles sont les recommandations pour renforcer leur participation et leur autonomisation ?
Le contexte : des conflits complexes et persistants
L’Afrique est confrontée à des conflits complexes et persistants, qui menacent la stabilité, la sécurité et le développement du continent. Selon l’Indice de la paix mondiale 2023, l’Afrique subsaharienne est la région la moins pacifique du monde, avec 19 pays classés parmi les 40 pays les moins pacifiques [1]. Les causes et les dynamiques de ces conflits sont multiples et interdépendantes, impliquant des acteurs étatiques et non étatiques, des facteurs internes et externes, des enjeux politiques, économiques, sociaux, environnementaux et culturels.
Ces conflits entraînent des conséquences dramatiques sur les populations, notamment les plus vulnérables, comme les femmes, les enfants et les jeunes. Selon le rapport du PNUD sur le développement humain 2023, les conflits armés sont la principale cause de la régression du développement humain en Afrique [1]. Les conflits entraînent des pertes de vies humaines, des déplacements forcés, des violations des droits de l’homme, des destructions d’infrastructures, des perturbations des services de base, des crises humanitaires, des pertes de revenus, des inégalités et de l’exclusion.
Les jeunes sont particulièrement affectés par les conflits, qui compromettent leur éducation, leur emploi, leur santé, leur sécurité et leur participation citoyenne. Selon l’UNESCO, l’Afrique compte le plus grand nombre d’enfants et de jeunes non scolarisés au monde, avec plus de 97 millions d’enfants et de jeunes âgés de 6 à 17 ans qui ne sont pas scolarisés, dont 59 % vivent dans des pays touchés par des conflits [2]. Selon l’OIT, le taux de chômage des jeunes en Afrique est de 12,8 %, soit le deuxième plus élevé au monde après le Moyen-Orient [3]. Selon l’OMS, les jeunes sont exposés à des risques accrus de violence, de maladies, de grossesses précoces et non désirées, de VIH/sida et de toxicomanie [4].
Le potentiel : des jeunes acteurs de la paix
Face à ces défis, les jeunes ne sont pas seulement des victimes ou des spectateurs passifs, mais aussi des acteurs de la paix, qui s’engagent activement dans la prévention et la résolution des conflits, la réconciliation et la reconstruction de leurs sociétés. Un rapport récent du PNUD, intitulé « Les jeunes en Afrique : un impératif démographique pour la paix et la sécurité », met en lumière les contributions positives des jeunes à la consolidation de la paix en Afrique, à travers des exemples concrets tirés de trois régions cibles : la Corne de l’Afrique, les Grands Lacs et le Sahel [5].
Le rapport s’appuie sur le fait que, malgré les défis socio-économiques et politiques auxquels ils sont confrontés, les jeunes restent proactifs et engagés dans la consolidation de la paix au sein de leurs communautés grâce à des approches innovantes. Les jeunes contribuent à des questions allant de la prévention de la violence électorale, aux mécanismes d’alerte et de réponse précoces, aux initiatives de réconciliation, aux dialogues communautaires, etc. Par exemple, au Kenya, des jeunes ont créé une plateforme en ligne appelée « Uchaguzi », qui permet de signaler et de vérifier les incidents de violence électorale et de promouvoir la transparence et la responsabilité [6]. Au Rwanda, des jeunes ont mis en place un programme de mentorat intergénérationnel, qui vise à renforcer la confiance et la compréhension entre les survivants et les descendants du génocide de 1994 [7]. Au Mali, des jeunes ont initié un projet de « Caravane de la paix », qui consiste à organiser des rencontres et des échanges entre les jeunes des différentes communautés ethniques et religieuses du pays [8].
Le rapport souligne également les opportunités et les leviers dont disposent les jeunes pour renforcer leur rôle dans la consolidation de la paix, notamment les cadres normatifs et stratégiques existants au niveau mondial et régional, tel que la résolution 2250 du Conseil de sécurité des Nations Unies sur la jeunesse, la paix et la sécurité, adoptée en 2015, qui reconnaît le rôle positif des jeunes dans la prévention et la résolution des conflits, et appelle à leur participation et à leur protection [1], ou encore la Charte africaine de la jeunesse, adoptée en 2006, qui affirme le droit des jeunes à la paix et à la sécurité, et les engage à promouvoir la tolérance, le dialogue et la non-violence [1].
Les recommandations : des jeunes autonomes et inclusifs
Le rapport publié par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) [1], propose également des recommandations pour renforcer l’autonomisation et l’inclusion des jeunes dans la consolidation de la paix en Afrique, à l’intention des différents acteurs concernés, tels que les gouvernements, les organisations régionales, les agences des Nations Unies, les organisations de la société civile, les médias, les secteurs privé et académique, etc. Ces recommandations sont regroupées en cinq domaines prioritaires :
– Renforcer les capacités des jeunes en matière de consolidation de la paix, en leur offrant des opportunités de formation, d’éducation, d’emploi, d’entrepreneuriat, de leadership, de mentorat, de réseautage, etc.
– Soutenir les initiatives de consolidation de la paix menées par les jeunes, en leur fournissant des ressources financières, techniques, logistiques, matérielles, etc., et en valorisant leurs expériences, leurs bonnes pratiques et leurs leçons apprises.
– Promouvoir la participation et la représentation des jeunes dans les processus de consolidation de la paix, en leur garantissant un accès équitable et inclusif aux espaces de dialogue, de consultation, de prise de décision, de suivi et d’évaluation, aux niveaux local, national, régional et mondial.
– Protéger les droits et la sécurité des jeunes dans les contextes de conflit, en prévenant et en réduisant les risques de violence, de discrimination, de stigmatisation, de criminalisation, de radicalisation, de recrutement forcé, etc., et en assurant l’accès des jeunes aux services de base, tels que la santé, l’éducation, la justice, etc.
– Renforcer la coordination et la collaboration entre les différents acteurs impliqués dans la consolidation de la paix et le soutien aux jeunes, en établissant des mécanismes de communication, de partage d’informations, de concertation, de partenariat, de plaidoyer, etc.
Conclusion
Les jeunes en Afrique sont un impératif démographique pour la paix et la sécurité, et non pas un problème à résoudre. Ils sont des agents de changement, qui apportent des solutions innovantes et efficaces aux défis auxquels le continent est confronté. Il est donc essentiel de reconnaître, de soutenir et de renforcer leur rôle dans la consolidation de la paix, en leur offrant des opportunités et des ressources, en respectant leurs droits et leur diversité, et en favorisant leur participation et leur inclusion. C’est ainsi que l’Afrique pourra réaliser son potentiel et atteindre les objectifs de développement durable et de l’Agenda 2063.
Sources
- Les Jeunes en Afrique : un Impératif Démographique pour la Paix et la …
- Youth in Africa: A Demographic Imperative for Peace and Security
- Autonomisation et participation des jeunes pour la paix et le …
- Rapport sur le développement durable en Afrique2017
- Rapport sur le développement durable en Afrique 2023
- Rapport sur le développement durable en Afrique 2022
- Le développement durable en Afrique — Unicaf — Scholarship Programme
- Rapport sur le développement durable en Afrique 2022 : reconstruire en …
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